Est-ce qu'ils ont un
nom? Ces espèces de sandwich déposés dans les côtés obscurs de la ville. Ils sont bien refroidis, bien moisis, enveloppés
de cellophane. Ils se cassent vite devant les regards impassibles. On les voit
partout. On leur jette un sou en passant vite fait- derrière leur masque c'est
plus facile à les ignorer. Les mains gelées, l'estomac dans les talons, ils
encaissent la froideur, le mépris des gens, la fièvre qui ne se sent plus à
force de trop glacer, des pluies abondantes. Et puis, quand la pluie s'arrête
et que les pensées qui clochent se vident dans la poubelle de la ville, à quoi
pensent-ils? Et surtout, en quel langage? Il y a un future, une forme verbale,
une terminaison pour conjuguer une vie merdique ?
***
Derrière mon masque, mes lunettes, je suis toute parée.
Je me promène devant une chaîne de magasins bien connus: Primark, Zara,
H&M. Les sacs dans les mains, les filles joyeuses lancent leur achat en
plein-air, chaque semaine une célébration de la jeunesse. “Touchant”! Je souris
malicieusement. Des automates infusés à la dopamine, pigments d'amour, cortège
de désirs fumistes, angoisse charnelle, drague polyglotte et locomotives à mort
qui transportent l'espoir comme des reliques.
***
Moi je porte mes gants comme des peaux sèches, que je
vais changer pour des gants plus usés plus tard dans la vie. Mes mains ont fait
les vaisselles, elles ont caressé des peaux tristes, la peau de mon mec que je
connais par cœur, elles ont écrit des vers qui vont vite périr, elles ont
emballé et déballé des cadeaux de Noel. Mes mains ne servent à rien, elles
existent pour pratiquer des rituels anodins. Et là, dans la débâcle de mon
esprit, tout est simile: des filaments de ma vie fuient la
compréhension, la fluidité, la cohérence. Je préserve juste les mots qui
expriment des besoins élémentaires: manger, créer, dormir, se réveiller.
Courir- loin de cette ville
amère, austère
ce virus n'a pas de goût
d'odeur, de cœur
ce virus nous fait voyager entre complicité et désarroi
il débarque clandestinement dans la gorge d'un
plombier
il dégouline, fonce
quo vadis? on lui demande
à Stravopol, il répond d'un coup, à Stravopol, campione!
J'écris cette lettre qui est censée transférer mes
peurs
à toi, lecteur de passage.
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